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Si mes prédécesseurs ont su conserver de nombreuses pièces de collection, notamment des locomotives à vapeur, il fallait sauvegarder des matériels plus modernes pour compléter la collection."

Portrait Philippe Mirville

Vous entrez à la SNCF en 1971, la même année que la création du Musée Français du Chemin de Fer à Mulhouse. Le patrimoine ferroviaire était-il déjà une source d’intérêt pour vous à cette époque ?

Je suis passionné par les trains depuis mon enfance. Habitant dans le 20ème arrondissement de la Capitale, j’ai connu les trains vapeur sur la ligne de la Bastille, les trains de jonction avec les voitures Pullman sur la petite ceinture et les métros Sprague. Mon père étant cheminot, je l’accompagnais dans ses tournées en autorail Picasso sur la ligne de Paris à Sézanne. C’est là qu’à l’âge de 10 ans j’avais le plaisir de voir évoluer la Crampton N°80 « en chauffe », titulaire de ce dépôt. Je ne pouvais pas me douter que je retrouverai, plus tard, cette pièce maîtresse du Patrimoine SNCF au Musée Français du Chemin de Fer de Mulhouse. Dès l’ouverture du musée, avant même de rentrer à la SNCF, j’ai été parmi les premiers visiteurs du Musée implanté à Mulhouse-Nord.

 

Au début des années 2000, vous rejoignez la direction communication de la SNCF et devenez responsable du patrimoine. En 2003, vous portez le projet d’exposition “Train Capitale”, manifestation inédite sur les Champs-Elysées. Alors en perte de vitesse, le musée y présente des matériels emblématiques. Dans quelle mesure l’exposition a-t-elle participé au renouveau de l’établissement, qui deviendra Cité du Train en 2005 ?

Le hasard fait souvent bien les choses ! Les travaux de construction du nouveau bâtiment du musée, qui sera ouvert en 2005, ont imposé aux responsables de l’époque de se séparer momentanément de certaines pièces de collection pour faire de la place. Au même moment, la SNCF décidait d’exposer des trains sur les Champs-Elysées en 2003. Un pari fou mais réussi puisque plus de 5 millions de visiteurs ont fréquenté l’exposition le « Train Capitale ». Responsable du service de presse de SNCF en 2002, j’ai eu pour mission de piloter la communication sur le transfert des matériels historiques entre Mulhouse et Paris, sur leur exposition : les Champs-Elysées.

En 2003 le Président de SNCF, Louis Gallois, m’a nommé vice-président de Musée et donné pour mission de préparer la communication sur l’ouverture du nouveau musée en 2005. Cette exposition « grand public » et ses retombées nationales et internationales, ont fortement contribué à la « redécouverte » du musée SNCF auprès du grand public. J’ai eu l’honneur de faire visiter ces matériels historiques à de nombreux ministres français mais aussi d’autres pays européens, et même à l’ancien Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing ! Après cette belle vitrine parisienne, il ne restait plus qu’à réussir la réouverture du musée devenu « Cité du Train ».

Philippe Mirville à bord de la locomotive à vapeur Crampton n°80 lors de son transfert, depuis Versailles, pour l’exposition Train Capitale

Vous devenez président de l’association du musée en 2006 et entreprenez la refonte de l’exposition dans le bâtiment historique construit par Pierre-Yves Schoen. À l’occasion de l’inauguration des Quais de l’Histoire en 2011, de nouveaux matériels, tels que la BB 9291 du Capitole, rejoignent les collections. Comment ont été sélectionnés et restaurés les matériels roulants ?

C’est en 2006 que le maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, ainsi que Louis Gallois président de SNCF, m’ont demandé de prendre la présidence du musée. À cette date, je me suis fixé deux objectifs : faire vivre le musée au quotidien avec une gestion saine et continuer sa modernisation pour qu’il devienne le musée ferroviaire de référence en France et en Europe ! Ainsi est né le projet des Quais de l’Histoire dont le but est de présenter une exposition de matériels roulants retraçant l’évolution du chemin de fer en France des origines à nos jours.

Si mes prédécesseurs ont su conserver de nombreuses pièces de collection, notamment les locomotives à vapeur, il fallait sauvegarder des matériels plus modernes, en voie de réforme, pour compléter la collection. J’ai ainsi souhaité sélectionner des locomotives, voitures et wagons représentant les plus importantes étapes d’évolution de la technologie, du voyage et du confort sur le réseau ferré national. Bien entendu, il fallait présenter un TGV en fin d’exposition, pour témoigner du saut technologique réalisé par la SNCF au profit de ses clients dès 1981. La première motrice du TGV Paris-Sud-Est réformée a donc été restaurée avant de rejoindre le musée en 2015. Les Quais de l’Histoire présentent ainsi 140 ans d’évolution du matériel ferroviaire, de 1844 avec la locomotive à vapeur Buddicom, au TGV de 1981.

Robert Fiehrer, alors Président du musée, et Philippe Mirville lors de la passation de pouvoir le 17 juin 2006.

Dès ses origines, le musée associatif est soutenu par la SNCF, mais ce n’est qu’en 2018 que la Cité du Train devient officiellement le musée du Patrimoine SNCF. Quelles ont été les raisons qui ont motivé à rendre manifeste le partenariat entre les deux structures ?

Une société de transport telle que SNCF ne peut exploiter un musée ! C’est par l’initiative, la volonté et la pugnacité de passionnés bénévoles que le musée est « né » en 1971. Je ne citerai que deux noms : Jean-Mathis Horrenberger et Michel Doerr. Le chemin de fer français, dont l’origine remonte à 1827, est exploité en totalité (à quelques infimes exceptions près) par SNCF depuis 1938. Il faut se rendre à l’évidence que ce musée est donc celui de l’entreprise ferroviaire nationale. SNCF, tout comme la ville de Mulhouse et la Communauté d’Agglomération, soutient le musée dès le début, en lui confiant notamment la présentation au public de sa collection du patrimoine.

À l’occasion de l’ouverture de la Cité du Train en 2005, j’ai réussi à convaincre le Président Louis Gallois, puis Anne-Marie Idrac et Guillaume Pépy, de l’impérieuse nécessité pour une entreprise comme SNCF, de témoigner de son histoire et du travail quotidien de ses collaborateurs pour offrir de jour en jour de meilleures conditions de transport, de qualité de service et de confort. Loin de la notion « le train c’était mieux avant, du temps de la vapeur », le positionnement de la communication de l’entreprise se résumait ainsi : « SNCF, depuis 1827, 180 ans d’évolution technologique continue au service des chargeurs et des voyageurs ».

Ce travail a porté ses fruits car SNCF, ainsi que ses dirigeants, m’ont toujours renouvelé leur confiance tout au long de mes 14 ans de présidence du musée. En 2018, l’entreprise a exaucé mon souhait de donner un nouveau nom au musée « Cité du Train – Patrimoine SNCF ». Cette nouvelle appellation est ainsi venu sceller fortement les liens entre l’association gestionnaire du musée et SNCF qui lui confie sa collection Patrimoniale. Ma mission de modernisation du musée était ainsi accomplie, à la fin de mon mandat d’administrateur représentant SNCF.

Philippe Mirville (à gauche) aux côtés du ministre des transports Gilles de Robien (sur sa gauche) et de Louis Gallois (à droite), lors de l’inauguration de la Cité du Train, le 14 avril 2005

 

Pour conclure, avez-vous un souvenir, une anecdote au sujet de la CDT que vous souhaitez partager ?

Votre question est difficile ! Vous pouvez vous imaginer que depuis 2003, date du début de mon mandat d’’administrateur, les souvenirs et les anecdotes ne manquent pas !

J’en citerai tout de même quatre :

  • La forte émotion d’avoir retrouvé dans le musée que j’ai présidé, la Crampton N°80, emblématique du Patrimoine SNCF, alors que je voyageais sur cette locomotive en chauffe dans le dépôt de Sézanne, j’avais 10 ans !
  • Le bonheur d’avoir pu accueillir la motrice du record du monde du TGV en 2007 à 574.8 km/h, et ses principaux acteurs, pour une exposition temporaire
  • La fierté d’avoir pu travailler avec des collaborateurs passionnés et dévoués au sein du musée, et d’avoir su convaincre les dirigeants de l’entreprise ferroviaire nationale au plus haut niveau de l’intérêt de ce musée.
  • Et puis la reconnaissance de public national et international quant à la qualité du musée, par leurs témoignages et leurs échanges lors de mes visites à Mulhouse ou de déplacements à l’étranger.