Mulhouse-Nord :
une exposition transitoire

1971-1976

C’est le 12 juin 1971 que le Musée Français du Chemin de Fer ouvre ses portes au public. Implanté au sein de la demi-rotonde du dépôt de Mulhouse-Nord, cet établissement présente dès ses débuts une sélection de treize matériels roulants. Nombreux sont alors les visiteurs qui se pressent afin de découvrir ce musée hors du commun. Les articles publiés dès le 13 juin dans des journaux locaux tels que L’Alsace ou Les Dernières Nouvelles d’Alsace saluent cette aventure aussi bien technique qu’humaine, aboutissement d’une réflexion entamée dès le début du XXe siècle.

Yves Leménager, Jean Jacques Bloch, Claude Dupont, Les Cheminots du dimanche, extrait de l’émission Vivre à loisir du 29 juin 1973, RTF/ORTF, vidéo INA

Une femme. Un homme. Un chien. Et en arrière-plan, le Musée Français du Chemin de Fer. Cela pourrait être le titre d’un film de la Nouvelle Vague mais ce documentaire porte un tout autre nom : celui des Cheminots du dimanche. Diffusée par l’ORTF en juin 1973, cette pépite télévisuelle écrite par Jean Jacques Bloche et réalisée par Yves Le Ménager, est issue d’une série intitulée “Vivre à loisir”. Consacré au chemin de fer, ce document met en scène Alain, passionné de train et Andrée, sa fiancée découvrant cet amour jusqu’alors demeuré secret.

Poussant les portes de la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, ces personnages de fiction rencontrent Michel Doerr, premier Directeur du musée, couvert de son incontournable chapeau mou. À l’avant des matériels, les anciens cartels permettent d’en apprendre davantage sur les pièces exposées. À la fin de la visite, Andrée le soutient “je trouve ça beau mais ça bouge pas”. C’est afin de répondre à cette critique que, dès les premiers temps du musée, les fondateurs s’efforcent de développer pédagogie, visites et animations. Car comme le souligne Jean-Mathis Horrenberger, une nouvelle civilisation est alors en marche : celle du divertissement.

206 755

C’est le nombre de visiteurs qui découvrent l’exposition transitoire de la demi-rotonde de Mulhouse-Nord entre son ouverture au public le 12 juin 1971 et son emménagement définitif dans le quartier de Dornach en 1976.

À Mulhouse,
le train enfin exposé

12 juin 1971. 10H. Le Musée Français du Chemin de Fer ouvre enfin ses portes. Dès la première heure, 82 personnes découvrent l’exposition transitoire de Mulhouse-Nord. Ce nombre ne fait qu’augmenter au fil de la journée. Et pourtant, la concurrence est rude : à la télévision, les 24H du Mans débutent en fanfare ! Train ou automobile, il faut choisir. Comme le rapporte un journaliste de L’Alsace dans l’édition du 13 juin, ce sont pourtant deux chauffeurs-routiers, Messieurs Frey et Woelfel, qui s’illustrent comme les tout premiers visiteurs ; toujours sous l’œil attentif de Michel Doerr, dont “l’imperméable bleu flott[e] au vent”.

Plan issu de l’article Comment se rendre à l’exposition du “Musée du chemin de fer” ?, in L’Alsace, 19 juin 1971, Bibliothèque municipale de Mulhouse
Plan issu de l’article “Comment se rendre à l’exposition du “Musée du chemin de fer” ?”, in L’Alsace, 19 juin 1971, Bibliothèque municipale de Mulhouse

Pour certains, la découverte de ce nouveau lieu culturel constitue une expérience inédite. Une fois garé le long de la rue Josué Hofer ou au sein du parking du dépôt, il s’agit d’abord d’emprunter une passerelle surplombant les lignes de circulation de marchandises. Au loin, la demi-rotonde indiquant en lettres rouges et capitales sa nature muséale s’offre alors au regard du visiteur curieux et déterminé.

Le 19 juin, le journal L’Alsace souligne en effet que l’accès n’est pas aisé pour celui qui ignore les coulisses du milieu ferroviaire mulhousien. Un plan d’accès est alors republié.  Ce défaut initial de communication n’est pourtant que passager. Dès cet instant, l’équipe du musée multiplie les panneaux, “distribution de tracts” et liens avec le syndicat d’initiative de Mulhouse, la presse locale, nationale et internationale. À  titre d’exemple, cinq mois plus tard, en octobre 1971, 130 journalistes allemands ont déjà visité le musée. Ce dernier, bien que non définitif, se doit de marquer les esprits.

000001

Redécouvert au sein d’une liasse d’archives, le premier ticket du musée (numéroté 000001) tient presque de la relique. Au-delà de son aspect symbolique, il permet également de s’interroger : un élément relatif à l’histoire d’un musée peut-il à son tour devenir une pièce muséale ? Une chose est certaine, ce petit morceau de papier de 5,7 par 3 cm, n’a pas été produit de manière hasardeuse. Son format, son grammage, sa couleur et sa police font en effet référence aux anciens tickets de chemin de fer. Poinçonné à l’entrée de la demi-rotonde, cet élément plonge immédiatement le visiteur dans un univers résolument ferroviaire. Dans ce contexte, force est de constater que la tarification est un sujet central qui fait l’objet de nombreux échanges dès les prémices de l’établissement. Dans le premier bulletin du musée publié le 4 juin 1971, il est déjà question de proposer un tarif réduit pour les jeunes de 6 à 15 ans et la gratuité pour les membres de l’association. En novembre 1971, le bulletin n°2 informe les adhérents de l’association “qu’à l’instigation de la Ville de Mulhouse, il a été décidé de créer un tarif spécial à l’intention des élèves des écoles de toute nature visitant le musée en groupe (minimum 10 participants) sous la conduite de leur maître”. Au fil des ans, et face aux coûts d’exploitation grandissants, le prix des entrées augmente cependant. Entre 1971 et 1974, le plein tarif passe ainsi de 3 à 5 francs et le tarif réduit de 2 à 3 francs. Simultanément, les catégories de visiteurs éligibles à la gratuité s’élargissent. Agents de la SNCF et de la CIWLT peuvent notamment en bénéficier.

Anciens tickets ferroviaires (à gauche), s.d., Collection Cité du Train, conservés aux Archives Municipales de Mulhouse et premier ticket du Musée Français du Chemin de Fer (à droite), 1971, Collection Cité du Train
Anciens tickets ferroviaires (à gauche), s.d., Collection Cité du Train, conservés aux Archives Municipales de Mulhouse et premier ticket du Musée Français du Chemin de Fer (à droite), 1971, Collection Cité du Train

Entretenir
et accueillir

Une fois passée la guérite de caisse, les visiteurs sont invités à entrer dans la demi-rotonde A de Mulhouse-Nord. Construit en 1923, ce bâtiment rayonnant voit défiler des locomotives à vapeur 141 R jusqu’en 1970. En septembre de cette même année, l’électrification de la ligne Mulhouse-Belfort rend cependant cet ensemble obsolète. Nettoyé de sa noirceur, la demi-rotonde composée de 14 voies se profile dès lors comme une solution provisoire idéale. Les rideaux métalliques individuels entre les voies et le pont tournant participent par ailleurs à la sûreté des objets conservés. Mais comme le rappelle Michel Doerr dans l’une de ses correspondances, la nouvelle fonction muséale du bâtiment ne peut s’établir sans quelques transformations préalables. L’installation de l’accueil (une ancienne guérite de garde-barrière) et des WC (à l’intérieur d’une voiture de voyageurs) symbolise cela. Car le musée n’est pas pensé simplement en tant qu’”échantillonnage” de matériels roulants mais également en lieu d’accueil du public.

Vue intérieure du musée dans la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, s.d., Collection Cité du Train
J. Bouchard, Vue intérieure du musée dans la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, photographie, 1976, Collection Cité du Train

Entretenir et accueillir semblent être les maîtres-mots de l’institution dès son ouverture. Michel Doerr, soucieux de recruter une équipe pour l’entretien des matériels, souligne la nécessité de s’accompagner d’un personnel à temps complet, de jour comme de nuit, été comme hiver. Dans une note manuscrite adressée à Jean-Mathis Horrenberger, le Directeur calcule en effet qu’il faut “8h de main d’œuvre hebdomadaire sur chaque engin soit 96h pour 12 machines”. À cela s’ajoute le recrutement d’agents pour le gardiennage, le secrétariat, la vente, la bonne tenue des sanitaires et le guidage lors des visites pour les groupes et les scolaires, toujours plus nombreux.

Les membres du Conseil de l’Association pour le Musée visitent la partie de la rotonde qui servira pour l’exposition provisoire, in bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse numéro spécial, bulletin trimestriel n°3, p.51, Collection Cité du Train
Les membres du Conseil de l’Association pour le Musée visitent la partie de la rotonde qui servira pour l’exposition provisoire, in bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse numéro spécial, bulletin trimestriel n°3, p.51, Collection Cité du Train

“Le problème majeur à résoudre consiste dans le recrutement de collaborateurs indispensables pour assurer :
– l’accueil correct des visiteurs et la surveillance pendant les heures de visite,[…] et ceci sans négliger l’attrait commercial supposant la mise en place de stands pour la vente de souvenirs, documents, cartes postales, diapositives et gadgets divers […]
– l’entretien des grosses pièces de matériel et des lieux. […]”

Michel Doerr in Musée Français du Chemin de Fer, numéro spécial du Bulletin trimestriel de la Société Industrielle de Mulhouse, n°3, 1971

Publicité pour la société de surveillance, 1971, Collection Cité du Train conservée aux Archives Municipales de Mulhouse
Publicité pour la société Strasbourgeoise de surveillance, 1971, Collection Cité du Train conservée aux Archives Municipales de Mulhouse

Les premiers matériels roulants du musée et partenariats

Alors que certains matériels poursuivent leur restauration dans les Ateliers SNCF, d’autres entrent en scène. C’est le cas de la locomotive Forquenot, qui, en novembre 1971, s’avance sereinement vers la demi-rotonde, masquée par une protection de polyvinyle. Répartis sur 14 voies, les premiers matériels roulants du musée sont listés quelques mois plus tard au sein d’un document intitulé “description sommaire des matériels exposés sous la rotonde (de gauche à droite en entrant)”. Pour chaque locomotive, sont précisés succinctement des éléments relatifs à la masse en service, le diamètre de la roue motrice, la vitesse et le lieu de restauration. Cette liste primitive permet également de rappeler les partenariats menés avec l’AMTUIR ou la CIWLT. Le Diagramme des locomotives, quant à lui proposé à la vente donne un aperçu stylisé des profils de chaque engin. Publié trois ans plus tard en 1974, le feuillet ci-dessous, n’est pas sans rappeler l’esthétique des planches d’histoire naturelle. Vivante, la collection est en effet en constante évolution.

Musée Français du Chemin de Fer, exposition rétrospective permanente (dépôt S.N.C.F de Mulhouse-Nord), Hors-texte de la Revue “Chemins de Fer”, 1974, n°30
Musée Français du Chemin de Fer, exposition rétrospective permanente (dépôt S.N.C.F de Mulhouse-Nord), “Hors-texte” de la Revue “Chemins de Fer”, 1974, n°30

Une muséographie “unique en son genre”

Dans les textes contemporains à l’exposition provisoire de Mulhouse-Nord, la question de la muséographie est récurrente. L’enjeu est en effet de taille : il s’agit d’exposer des éléments imposants de manière à la fois scientifique et ludique. Pour Michel Doerr, la présentation se doit par ailleurs d’être “unique en son genre” et “aérée”. La place restreinte imposée par la demi-rotonde contraint par conséquent les créateurs du musée à faire face à des choix cornéliens. Ces derniers sont notamment dictés par des problématiques liées à la conservation préventive. Certaines voitures, jugées trop fragiles, sont ainsi réservées au futur musée définitif : c’est notamment le cas de la voiture A 151 Nord.

Michel Lamarche, Plan de l’installation prévue dans la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, s.d., Collection Cité du Train
Michel Lamarche, Plan de l’installation prévue dans la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, s.d., Collection Cité du Train

S’il est admissible d’exposer des locomotives à vapeur sous une rotonde de dépôt, c’est, par contre, un abri relativement précaire pour des pièces notablement plus délicates et demandant un entretien plus poussé. Eu égard à des considérations de bonne conservation, il n’a pas été jugé désirable de présenter à Mulhouse-Nord certaines voitures anciennes déjà minutieusement restaurées par les ateliers de Romilly où elles demeureront provisoirement dans des conditions meilleures (halles parfaitement étanches, maintenues en températures l’hiver d’où un degré hygrométrique correct, etc.).

Michel Doerr in Musée Français du Chemin de fer, numéro spécial du Bulletin trimestriel de la Société Industrielle de Mulhouse, n°3, 1971

Manger
à bord

Exposé à l’intérieur de la demi-rotonde, le train sert également de lieu de restauration. Sur le parvis du musée, la voiture-restaurant CIWLT 3348, ouverte aux individuels, groupes et scolaires, permet de déguster plats du jours, cônes glacés et orangeade. Imaginé dès 1968, ce temps fort de la visite, ”expérience-visiteur” avant l’heure, ravi petits et grands. Envoyée en restauration aux Ateliers de Saint-Denis en janvier 1974, la 3348 est remplacée par la 3349 en mai 1974, avant son retour définitif au musée.

Anonyme, Intérieur de la voiture-restaurant du Musée Français du Chemin de Fer, 04 juillet 1973, Collection Cité du Train
Anonyme, Intérieur de la voiture-restaurant du Musée Français du Chemin de Fer, 04 juillet 1973, Collection Cité du Train

D’après L’Alsace, il est alors possible de commander des “plateaux-repas et des pick-nick boxes” dans une ambiance décrite par l’équipe du musée comme “typiquement ferroviaire”.

Aujourd’hui exploitée par le musée du chocolat de Geispolsheim, la 3349 demeure historiquement liée à la 3348, exposée dans le Parcours Spectacle de la Cité du Train.
Visite de la voiture restaurant

Prix courant des produits vendus au restaurant du musée, mai 1974, Collection Cité du Train
Prix courant des produits vendus au restaurant du musée, mai 1974, Collection Cité du Train

La locomotive et le cuisinier

Le 4 juin 1971, les adhérents de l’association sont informés de l’arrivée prochaine d’une “attraction unique en son genre”. Au sein de la rotonde, une fosse de visite, profonde de presque 2 mètres, a été creusée Voie 13 afin de permettre d’“examiner [l]es mécanismes intérieurs” de la locomotive 231 Pacific n°3.1192 Chapelon Nord. Le 18 juin de la même année, le matériel roulant s’engage délicatement au-dessus de cet espace vide. Présent lors cet événement peu commun, c’est encore L’Alsace qui en parle le mieux.

Vue de la 3.1192 Nord sur fosse, 1971, bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse numéro spécial, bulletin trimestriel n°3, p.47, Collection Cité du Train
Vue de la 3.1192 Nord sur fosse, 1971, bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse numéro spécial, bulletin trimestriel n°3, p.47, Collection Cité du Train

“La petite équipe du “Train bleu” était furieuse hier après-midi : les convives avaient quitté la table sans toucher au dessert, des fraises au sucre. Le jeune chef avait failli rendre son tablier, pardon, son bonnet blanc. Et tout cela parce que la “Pacific” avait, sur le coup de deux heures, prit subitement la vedette. Depuis huit jours, elle n’avait pas bougé de dessous la rotonde. Elle avait fait copieusement sa toilette. Tous ses cuivres et bronzes -abondants- reluisaient à qui mieux mieux, en harmonieux contraste avec la “robe chocolat” de cette machine du Nord. Et voici qu’à l’aide deux locotracteurs, elle faisait mine de s’évader.”

– R.F., “La “Pacific” a été placée sur sa fosse de visite in L’Alsace, 18 juin 1971, Collection Cité du Train

Photo de la fosse de visite de la locomotive 3.1192 Nord dans la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, 15 mai 1972, photo : Thierry Parant, Collection Cité du Train
Thierry Parant, La fosse de visite de la locomotive 3.1192 Nord dans la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, photographie, 15 mai 1972, Collection Cité du Train

Lilliput

Conservé aux Archives de Mulhouse, un dessin non daté donne à voir un étrange convoi. Apparaissant entre les plans techniques et les correspondances administratives, ce croquis de train miniature s’impose comme un élément sensible et poétique. Dès 1970, Michel Doerr et André Portefaix nourrissent en effet le souhait de créer un chemin de fer “lilliput”. Pourtant, si l’échelle miniature replonge le visiteur en enfance, il ne permet pas, d’après Michel Doerr, de mesurer “la peine des hommes”. Il convient dès lors de se confronter à la machine et à sa “réalité technique”. La fosse de visite, permettant d’observer les dessous mécaniques de la locomotive Chapelon Nord 3.1192, contribue à cela.

Anonyme, Train miniature, dessin, s.d., Collection Cité du Train, conservé aux Archives Municipales de Mulhouse
Anonyme, Train miniature, dessin, s.d., Collection Cité du Train, conservé aux Archives Municipales de Mulhouse

Cartons, mouchoirs
et traditions

Les yeux levés vers les entrailles de la Pacific, le regard tourné vers l’écorché de la Baltic, à l’écoute des guides ou en déambulation solitaire, petits et grands découvrent jour après jour celui que l’on désigne dorénavant par le terme de “MFCF” (Musée Français du Chemin de Fer). En coulisse, l’équipe du musée se prépare activement à un autre événement : l’inauguration officielle des lieux. Préservés à la Cité du Train, les coupons-réponses se distinguent dans ce contexte comme de précieux témoignages. De grands noms du chemin de fer comme Marc de Caso ou encore André Chapelon rythment la revue de ces délicats morceaux cartonnés. Une feuille sommairement intitulée “organisation” nous informe par ailleurs des temps forts prévus au cours de la journée : déjeuner dans les salons de la SIM, discours, visite de la ville, réception de mouchoirs ferroviaires édités pour l’occasion en partenariat avec le Musée d’Impression sur Étoffes, sans oublier les “Alsaciennes”, ces jeunes femmes qui tiendront entre leurs mains un symbole majeur de l’histoire du musée : le ruban d’inauguration.

Carton d’invitation au lunch de l’inauguration officielle de la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, 3 juillet 1971, Collection Cité du Train
Carton d’invitation au lunch de l’inauguration officielle de la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, 3 juillet 1971, Collection Cité du Train

Coupé
de ruban !

Samedi 3 juillet 1971. 7H. Les ondes radiophoniques multiplient les brèves dédiées aux grands départs en vacances. Au fil des heures, les autoroutes alsaciennes se peuplent d’automobilistes quittant les Vosges pour leur lieu de villégiature. Dans les locaux de la Société Industrielle de Mulhouse et au Musée Français du Chemin de Fer, l’ambiance est toute aussi fébrile. Il s’agit en effet de régler les derniers préparatifs avant l’inauguration officielle de la demi-rotonde. Sur la Buddicom Saint-Pierre, le pupitre en bois orné des armes de Mulhouse attend ses premiers orateurs.

Anonyme, Inauguration officielle du musée en présence de M. Ségalat, président de la SNCF, le 03 juillet 1971, Collection Cité du Train
Anonyme, Inauguration officielle du musée en présence de M. Ségalat, président de la SNCF, le 03 juillet 1971, Collection Cité du Train

« […] Bien entendu, ce Musée définitif devra recueillir autre chose que des locomotives à vapeur ; les premiers échantillons de la traction électrique et de la traction thermique auront terminé leur service à point nommé pour y entrer. Et la puissante CC qui se trouve devant la rotonde deviendra à son tour, une pièce historique comme le sera aussi, un jour, le turbotrain. La vision du passé nous engage à nous interroger sur l’avenir. Un remarquable congrès traitait récemment de l’état de la technique de l’an 2000. Il concluait que la population du monde atteindrait six milliards d’habitants, que l’énergie, sans être rare, devrait être ménagée, que cette énergie serait produite à 85% sous forme d’électricité, que la défense contre les pollutions deviendrait un souci constant et que les besoins de transport ne feraient que croître. Or, le Chemin de fer est un transporteur de masse, très économe en énergie, qui s’accommode particulièrement bien de l’énergie électrique et qui n’est pas polluant. Messieurs les créateurs du Musée Français du Chemin de Fer, prévoyez large, je vous en prie ; le Chemin de fer n’est encore qu’au début de son destin ! »

– Samedi 3 juillet 1971, allocution du Président André Ségalat lors de l’inauguration officielle du Musée Français du Chemin de Fer

7H47. A 500Km, en gare de l’Est, au sein de la voiture 15 du train 113 s’installe un groupe parisien à destination de Mulhouse.
Parmi eux : André Ségalat, Président de la SNCF, accompagné notamment d’Henri Lefort, Directeur Général Adjoint, de Camille Martin, Directeur du matériel et de la Traction ou encore de Marcel Garreau, Directeur Honoraire de la SNCF.

12H08. Arrivée en gare de Mulhouse. Après un lunch proposé à la SIM, les officiels sont transférés en autocar jusqu’à Mulhouse-Nord.

14H. La cérémonie peut débuter. Sous les flash des journalistes de Loco-Revue ou de L’Alsace, Jean-Mathis Horrenberger puis André Ségalat adressent leurs vœux à l’assistance. Le discours donné par la Président de la SNCF résonne encore cinquante ans plus tard entre les murs de la Cité du Train. Optimiste et résolument visionnaire, André Ségalat parvient à poser dès 1971 les grands enjeux du troisième millénaire.

L’Art entre au
Musée du Chemin de Fer

Conservatoire de matériels roulants, le musée souhaite également traiter de la représentation artistique du chemin de fer. Avant même l’ouverture de juin 1971, l’équipe du MFCF participe ainsi au Prix Scheffer, 25e exposition de peinture ferroviaire organisée à la SIM. Moins d’un an plus tard, grâce au soutien de la Ville de Mulhouse, l’association fait l’acquisition de la collection de Charles Dollfus, aéronaute, rédacteur de nombreux textes sur les chemins de fer et détenteur d’une rare série d’objets décoratifs. Dans le même temps, devant la Parthenay, le peintre Albert Brenet installe son chevalet. Missionné par la SNCF, cet artiste à la production pléthorique, pose sur la toile les touches de gouache, esquisse préparatoire de l’emblématique affiche du Musée Français du Chemin de Fer.

A. Brenet, Musée Français du Chemin de Fer, Mulhouse, affiche, 1971, Collection Cité du Train
A. Brenet, Musée Français du Chemin de Fer, Mulhouse, affiche, 1971, Collection Cité du Train

Connaissez-vous le Musée Français du chemin de fer ?”

Dès les premières années du musée, ses fondateurs perçoivent la nécessité de communiquer massivement. Édités par L’Alsace, plusieurs milliers de prospectus imprimés “offset sur papier couché crème 90g” sont ainsi distribués. Mais la publicité se doit d’être concertée et les frais partagés. Le 25 novembre 1971, une réunion de “coordination de la propagande entre les différents musées de Mulhouse” est organisée. L’objectif : valoriser la richesse culturelle et touristique mulhousienne dans un rayon de 150 Km. Quelques mois plus tard, les comptoirs d’hôtels, restaurants et syndicats d’initiative se noircissent de dépliants valorisant le Musée Français du Chemin de fer, le musée historique, le Temple Saint-Etienne, le Musée d’Impression sur Étoffes et le Zoo. Mais la démarche va plus loin : il apparaît en effet nécessaire d’organiser des circuits entre ces grands sites touristiques. Véritable atout, l’autocar est complété par l’autobus. Les agents de ces derniers sont en effet invités à promouvoir le musée auprès des visiteurs d’un jour et des usagers réguliers. Car malgré les multiples articles et encarts publicitaires, c’est encore le bouche-à-oreille qui fonctionne le mieux. À moins que l’éloge verbal ne soit éclipsé par la légendaire carte postale qui réussit l’exploit de réunir sur 150 cm² un train, une mairie, un ours, une period-room et toute l’essence de l’Alsace.

Encart publicitaire Connaissez-vous le Musée français du chemin de fer ?, s.d., Collection Cité du Train
Encart publicitaire Connaissez-vous le Musée français du chemin de fer ?, s.d., Collection Cité du Train

La locomotive-enseigne

Vous avez aimé le prospectus, le dépliant, l’affiche et la carte postale ? Vous adorerez la locomotive-enseigne ! Dans une volonté d’attirer les visiteurs au musée depuis la rue Josué Hofer, le Conseil d’Administration valide très tôt le projet de se servir d’un matériel réformé destiné à la démolition pour servir d’enseigne échelle 1. En septembre 1972, Jean-Mathis Horrenberger informe ainsi André Portefaix, Ingénieur en chef de la Direction de la Traction et du Matériel de la SNCF, du souhait de Michel Doerr d’acquérir la 130 B 348 garée au dépôt de Chaumont. Cette locomotive est décrite par le Président comme détentrice d’une “silhouette caractéristique à souhait”. Autre avantage, elle ne pèse “que 48.500 Kg”. C’est finalement la 030 TB 2 des Ateliers d’Arles qui est sélectionnée. Ôtée de sa cabine et de ses soutes à eau, cette machine absurde quitte la Provence pour Romilly afin d’être repeinte. Simultanément, Thouars se propose de reconstituer la cheminée. Mais l’objet seul ne suffit pas pour être visible depuis la route. Qu’à cela ne tienne, on lui construit un piédestal. Le 1er avril 1974, la loc’ de fortune quitte Romilly pour Mulhouse. Quelques semaines plus tard, au 93 Avenue de Lutterbach, ancien siège de la société de levage mulhousienne Koenig, le téléphone sonne. Il s’agit de venir poser l’engin sur son étroit écrin de ballast. Cette opération, décrite par le prestataire comme “délicate”, est couverte par La Vie du Rail qui se réjouit de cette “manutention spectaculaire”. Véritable saga dans la saga, cet épisode cristallise à lui tout seul le quotidien du musée : une idée, des partenariats interrégionaux et à la fin, des enfants qui escaladent pour la photo, même si c’est interdit !

La Vie du Rail, Une du n°1405, 26 août 1973, Collection Cité du Train
La Vie du Rail, Une du n°1405, 26 août 1973, Collection Cité du Train

Passion cartes postales

Présentés dans les premiers procès-verbaux des conseils d’administration comme des “produits accessoires”, les éléments accrochés au panneau de liège de la guérite complétée en 1974 d’un “kiosque de vente” deviennent rapidement de véritables sources de revenus complémentaires. L’étude des correspondances entre 1971 et 1976 révèle par ailleurs un attachement particulier du public à l’objet “carte postale”. Cette notion de produits dérivés semble alors pourtant récente dans le monde muséal. Au sein de la Réunion des Musées Nationaux, le service commercial est créé dès 1931 mais trouve un véritable essor dans les années 70. Si l’on ignore si les dirigeants du Musée Français du Chemin de Fer se sont inspirés de ce modèle, on peut cependant supposer que le monde ferroviaire, alimenté par l’imaginaire du jouet et du train miniature, participe de ce phénomène.

Anonyme, Les guérites à l’entrée de la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, 8 novembre 1975, Collection Cité du Train
Anonyme, Les guérites à l’entrée de la demi-rotonde de Mulhouse-Nord, 8 novembre 1975, Collection Cité du Train

La Vie du Rail, L’Imagerie Pellerin d’Epinal, les éditions de La Cigogne mais aussi celles des Dernières Nouvelles d’Alsace sont autant de partenaires créatifs et commerciaux. Cartes postales, autocollants, diapositives, scrapbooks ainsi que planches à découper constituent une liste de souvenirs que les visiteurs ou les correspondants du musée s’arrachent. Michel Doerr se révèle dès lors véritable stratège cartophile. Dans une lettre adressée en 1975 à la Compagnie des Arts Photomécaniques, le Directeur défend l’idée selon laquelle la photographie de l’une des locomotives doit être cadrée afin de ne pas laisser apparaître un “environnement […] assez peu esthétique !”

De (grands) enfants

La force du musée est, dès sa création, d’attirer à la fois cheminots, techniciens, touristes, amateurs de belles choses, familles et scolaires. Les archives des années 70 regorgent dans ce contexte de lettres manuscrites, parfois hésitantes, rédigées par le délégué de classe ou le chouchou du maître. À ces “petits mots”, Michel Doerr apporte inlassablement la même réponse : bien sûr, il est possible de venir visiter le musée avec sa classe ! Il est même conseillé de se munir d’un pique-nique à déguster sous les parasols ou dans la voiture-restaurant. Un guide, des diapositives et des films sont également à disposition. Pédagogiques, certaines pièces de la collection sont reproduites dans des ouvrages à destination d’un public enfantin. C’est par exemple le cas de L’Encyclopédie par le timbre, locomotives et trains internationaux publiée en 1972 par Les Éditions des Deux Coqs d’Or. En pastille de couverture, cet ouvrage est présenté comme “indispensable à tous, garçons et filles, pour apprendre en s’amusant, pour illustrer leurs cahiers, pour collectionner”.

Loco Junior in La Vie du Rail n°1314, 31 octobre 1971, p.15, Collection Cité du Train
Loco Junior in La Vie du Rail n°1314, 31 octobre 1971, p.15, Collection Cité du Train

“Le petit garçon pose un cube jaune derrière un bleu et annonce, triomphal : “Un train”. Même avec Apollo sur la Lune, le train conserve, dans l’imagination des enfants, la place que, dans la vie, l’avion et la voiture, lui disputent.”

– Anonyme, extrait issu de l’article “Au musée de Mulhouse, ces fascinantes locomotives à vapeur” in L’Est Républicain, Nancy, n°490, 27 juin 1971

Publicité in La Vie du Rail spécial Noël n°137, 17 décembre 1972, Collection Cité du Train
Publicité in La Vie du Rail spécial Noël n°137, 17 décembre 1972, Collection Cité du Train

EXPOSITION – STOP – SOUHAITE SUCCÈS

En janvier 1970, dans l’une des pages du texte Vers un Musée Français du Chemin de Fer, Michel Doerr et André Portefaix proposent un large tableau recensant les musées ferroviaires européens. Le constat est sans appel, alors que Mulhouse s’apprête à inaugurer son musée, des villes comme Hamar, York, Nuremberg, Madrid, Copenhague ou encore Belgrade possèdent déjà des musées de ce type. Pendant toute leur carrière muséale, Jean-Mathis Horrenberger et Michel Doerr n’auront ainsi de cesse de multiplier les échanges avec ces derniers. À titre d’exemple, le musée d’Utrecht, est convié dès 1971 à l’inauguration de la demi-rotonde.

Télégramme de réponse du musée ferroviaire d’Utrecht à l’inauguration du musée français du chemin de fer, 02 juillet 1971, Collection Cité du Train
Télégramme de réponse du musée ferroviaire d’Utrecht à l’inauguration du musée français du chemin de fer, 02 juillet 1971, Collection Cité du Train

Alors que la vie suit son cours dans la demi-rotonde, la presse locale, nationale et spécialisée consacre déjà des articles au futur musée définitif. À la manière d’une galerie des portraits, les unes ci-dessous vous permettent de vous replonger dans la chronique des travaux.

De béton et de lamellé-collé

Dès l’origine, l’architecte Pierre-Yves Schoen est informé par Jean-Mathis Horrenberger du projet mulhousien de Musée Français du Chemin de Fer. Il devient dès lors un acteur majeur de son histoire. En septembre 1967, une réunion organisée par le “Comité d’étude pour la création d’un MFCF à Mulhouse” permet ainsi de rappeler plusieurs points. Tout d’abord, un terrain au niveau du quartier de la Mer Rouge sera bien mis à disposition par la Ville de Mulhouse pour la construction du bâtiment définitif. Ce dernier, dont les plans sont déjà publiés dans l’un des Bulletins de la SIM, comprendra 35 voies permettant d’exposer plus de 100 matériels. À cela s’ajoutera une partie consacrée au modélisme ainsi qu’à l’équipement. L’idée de combiner cette première tranche avec la création d’un musée dédié aux sapeurs-pompiers est par ailleurs défendue.

Pierre-Yves Schoen (à gauche) et Michel Doerr (au centre), s.d., Collection Cité du Train
Pierre-Yves Schoen (à gauche) et Michel Doerr (au centre), s.d., Collection Cité du Train

Si l’atmosphère authentiquement ferroviaire rendue possible par une véritable rotonde est d’ores et déjà regrettée par certains membres et visiteurs, seule la construction ex nihilo d’un nouvel édifice permet un accueil organisé du public et l’extension de la collection. Ce cadre, qualifié d’”inhabituel” par l’architecte, renforce le caractère muséal de chaque pièce et offre la possibilité d’aménager un large parking et un restaurant. Bien que la construction de ces équipements de services tienne de l’évidence, concevoir un musée du train n’en est rien. En mai 1976, Pierre-Yves Schoen explique dans un article de la Revue Générale des Chemins de Fer qu’il s’agit dans un premier temps de songer à l’acheminement des matériels. Le musée ne peut donc être construit qu’en bordure d’une voie ferrée, complétée idéalement d’un pont tournant, d’un chariot transbordeur ou d’une plaque tournante. Trop onéreuses, ces solutions sont abandonnées et le bâtiment est agencé sur son terrain triangulaire de telle manière à pouvoir relier les voies internes à celles du Strasbourg-Mulhouse via un rayon à la courbure précisément calculée.

Pierre-Yves Schoen, Vue en plan du Musée Français du Chemin de Fer sur le site de Dornach, s.d., Collection Cité du Train, conservé aux Archives Municipales de Mulhouse
Pierre-Yves Schoen, Vue en plan du Musée Français du Chemin de Fer sur le site de Dornach, s.d., Collection Cité du Train, conservé aux Archives Municipales de Mulhouse

“À ces quelques contraintes dues au terrain, sont venues s’ajouter celles que je croyais connaître et dont j’effleurais à peine l’importance. Je pense aux contraintes dues à l’objet du programme : les chemins de fer. Pour exposer un véhicule, il faut compter 22 m x 9 m, soit environ 200 m². Pour ne pas “étouffer l’objet” la hauteur du local doit se situer aux environs de 9 m. Le local doit être clair, afin de pouvoir y faire des photographies; le visiteur doit pouvoir tout observer, dessus, dessous, de côté, mais il faut éviter qu’il puisse “toucher”. Voici donc esquissé rapidement le programme du local d’exposition.”

Pierre-Yves Schoen, document dactylographié, avant l’été 1971, Collection Cité du Train

Pierre-Yves Schoen, plan du bâtiment A, façades, août 1974, modifié le 24 mars 1976, Collection Cité du Train
Pierre-Yves Schoen, plan du bâtiment A, façades, août 1974, modifié le 24 mars 1976, Collection Cité du Train

À l’intérieur du bâtiment, les enjeux de conservation et de visite sont par ailleurs savamment étudiés. À la contrainte liée à la taille des trains, s’ajoute celle de la photographie. Bien avant l’ère des smartphones et des réseaux sociaux, il est déjà clair que le visiteur ne peut repartir sans sa photo souvenir. L’espace doit par conséquent être clair et large. La solution “économique et élégante”. Les matériaux sont sélectionnés avec soin : l’acier, le bois et le béton sont privilégiés. À titre d’exemple, les arcs qui supportent la couverture sont conçus à partir du principe du bois lamellé-collé.

Dans une lettre adressée en novembre 1969 à Michel Doerr, Pierre-Yves Schoen présente ce procédé comme idéal, permettant en effet de “grandes portées sans point d’appui, l’implantation des poteaux à n’importe quel endroit et l’accrochage des passerelles en un point quelconque de la charpente.” Les poteaux et poutres principales sont quant à eux fabriqués en béton armé. Sur la façade, le revêtement est constitué de gravillons du Rhin.

“Ici sera édifié LE MUSÉE FRANÇAIS DU CHEMIN DE FER”

Temps fort de l’histoire du musée, la pose de la première pierre permet de lancer officiellement la phase travaux. Gérée par l’entreprise locale SAVONITTO, l’organisation de cet événement consiste d’abord en un dégagement, nettoyage et décapage de la zone. Un bloc composé d’”une pierre en béton moulé” est par ailleurs réalisé. C’est à l’intérieur que sera glissé un parchemin adressé à la postérité lors de la cérémonie du 29 juin 1974. Signé autour d’un repas organisé au restaurant du Zoo de Mulhouse, ce document, retrouvé lors des travaux des années 2000, est bien arrivé jusqu’à nous.

Photographie issue de l’article Pose de la première pierre : Rendez-vous dans deux ans pour l’inauguration du Musée des chemins de fer à Mulhouse, in les DNA, 01 juillet 1974, Collection Cité du Train
Photo issue de l’article Pose de la première pierre : Rendez-vous dans deux ans pour l’inauguration du Musée des chemins de fer à Mulhouse, in les DNA, 01 juillet 1974, Collection Cité du Train

Éditer
la collection

En avril 1975, le catalogue de la collection de l’exposition transitoire de Mulhouse-Nord sort en librairie. Richement illustré de dessins de Michel Lamarche et de E.A Scheffer, ce recueil se caractérise par son graphisme original valorisant la collection. Il est également l’occasion de rappeler brièvement l’histoire du chemin de fer et celle du musée. Les textes, concis, témoignent de la volonté de s’adresser à un large public. Acquis par la Cité du Train en 2019, une version signée en juillet 1975 de la main de Michel Doerr se révèle être un émouvant clin d’œil à l’avenir. L’ancien Directeur en est certain, ce document deviendra quelques années plus tard un véritable “Alsatique”.

Collectif, Musée Français du Chemin de Fer, exposition transitoire de Mulhouse-Nord, Catalogue, avril 1975, Collection Cité du Train
Collectif, Musée Français du Chemin de Fer, exposition transitoire de Mulhouse-Nord, Catalogue, avril 1975, Collection Cité du Train

“On a l’habitude en France de croire que le Public est assez peu perméable aux choses du rail qu’il considère comme un instrument appartenant au passé ; lorsque cependant on a vu que les visiteurs se bousculent pour admirer de près les engins exposés, pour monter dans les cabines, pour tirer sur le régulateur, pour manœuvrer le contrôleur, on est en droit de se demander si ce même public se désintéresse vraiment de la question ou bien si cette indifférence n’est pas née de l’absence d’occasion propre à exercer sa curiosité…”

Chemins de fer, n°134, mai-juin 1945, p.70

“Je l’accompagnerai au musée…

Locomotive à vapeur, extrait de l’émission Les infos spécial vacances du 05 septembre 1975, France Régions 3 Limoges et TF1, vidéo INA

En juillet 1974, dans un mot adressé aux fondateurs du MFCF, un membre de l’association s’interroge : quand sera exposée la locomotive 232 U 1 ? Que l’auteur de cette lettre se rassure : cette locomotive, chef-d’œuvre de l’ingénieur Marc de Caso, termine sa remise en beauté auprès des cheminots des ateliers de Thouars et sera visible au public dans le futur musée. Diffusé pour la première fois en novembre 1975, le film ci-dessus permet de se plonger dans les coulisses de ce chantier long de deux ans.

Astiquée et peinte, la 232 U 1 porte en elle un tout un pan de l’histoire ferroviaire et muséale. Dès 1976, sous les armatures flambant neuves du nouveau musée et grâce à l’appui technique de la SNCF, cette machine parvient à se mettre en mouvement sans se déplacer. Près de cinquante ans plus tard, cette animation est encore visible au musée.

Visite virtuelle

Station to station

Le musée du chemin de fer à Mulhouse, extrait de l’émission Expression du 29 décembre 1982, France 3 Régions Besançon, vidéo INA

1976. Sur la face A de l’album éponyme de David Bowie, la chanson Station to Station débute par le son d’un train en marche. Loin de Los Angeles, entre Mulhouse-Nord et Dornach, cette mécanique mélodie résonne de manière symbolique. En vue de l’ouverture sur le site définitif, les derniers matériels roulants quittent la demi-rotonde. La fin d’une aventure ? Non ! Le début d’un nouveau chapitre, et surtout l’entrée dans une nouvelle décennie : celle des années 80.

Dans une lettre adressée le 20 mai 1976 à André Portefaix, Michel Doerr remercie son interlocuteur des “merveilleuses photos” apportées par Monsieur Naudot qui “constituent un extraordinaire souvenir de cette Rotonde que nous sommes en train de quitter”. Se rapprochant un peu plus des Vosges, le Musée Français du Chemin de Fer s’ôte de son statut provisoire pour devenir durable. Et entre les murs dorénavant nus du dépôt, on peut entendre “Here are we, one magical moment, such is the stuff, from where dreams are woven”. (“Nous voici, un moment magique, telle est l’étoffe, dont sont tissés les rêves”.)

Prochain arrêt :

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