1982

18 mai 1982. Le Musée Français du Chemin de Fer accueille son millionième visiteur. Ce dernier est reçu par Jean-Mathis Horrenberger qui l’invite à signer le livre d’or de l’établissement.

Le musée
définitif

“Il reste maintenant encore à achever la construction du bâtiment “B” qui abritera un restaurant de 250 places, les bureaux, le hall d’accueil et le logement du gardien, ainsi que celle du bâtiment “C” destiné au Musée du Sapeur-Pompier. Ces deux bâtiments seront terminés à la fin du printemps 1977, ce qui nous permet d’envisager l’inauguration officielle du complexe des Musées Techniques de Mulhouse-Dornach pour l’automne prochain.”

Jean-Mathis Horrenberger, note sur l’année 1976 du Musée Français du Chemin de Fer, document conservé à la Cité du Train

Le 19 juin 1976 à 10H, cinq ans presque jour pour jour après l’ouverture du musée provisoire de Mulhouse-Nord, le musée définitif ouvre ses portes sur le site de Dornach. Cinq ans est le temps qui aura suffi pour poursuivre les restaurations de matériels, leur acheminement, construire le nouveau bâtiment et faire connaître le MFCF à des visiteurs toujours plus nombreux. Rétrospectivement, la demi-rotonde apparaît comme un laboratoire muséal où ont été posés les premiers jalons de la collection mais surtout de son organisation. Alors que les derniers matériels roulants rejoignent leur emplacement définitif, Jean-Mathis Horrenberger et Michel Doerr préparent déjà l’inauguration prévue quelques semaines plus tard. En 1978, à l’approche de la locomotive 232 U 1 les visiteurs sursautent : la piste sonore dorénavant synchronisée avec le mouvement des bielles est en place, la machine peut “démarrer”.

Le musée du Sapeur-Pompier

De gare
en gare

Quelques mois après l’ouverture du MFCF sur son site définitif, Paris rend à son tour hommage au chemin de fer. En gare de Bastille, disparue en 1984, sont en effet installés les stands de la première exposition de modélisme organisée par la SNCF. En coulisses, l’entreprise concourt par ailleurs à la promotion du musée mulhousien. Fin 1976, de premiers échanges ont lieu entre Michel Doerr et le service des relations extérieures de la société nationale. Le projet envisagé a aujourd’hui de quoi surprendre. Dans les trains de grandes lignes sont en effet distribués plusieurs millions de serviettes essuie-mains en papier crêpé orné d’un slogan promouvant le musée. En 1977, le musée est cependant alerté : “la préhension est difficile” et la chute des serviettes en papier est “intempestive”. Le pliage des serviettes est revu, le format des distributeurs également. Bien qu’en apparence anecdotique, cet épisode souligne une fois de plus l’importance accordée à la promotion du musée, y compris de gare en gare.

A. Bourdeau, Première exposition de modélisme ferroviaire, Affiche publicitaire SNCF, 1976, Collection Cité du Train
A. Bourdeau, Première exposition de modélisme ferroviaire, Affiche publicitaire SNCF, 1976, Collection Cité du Train

Des nappes artistiques

Les serviettes en papier publicitaires ne sont pas les seules à être conservées au musée. D’autres, aussi inattendues qu’uniques, dévoilent un univers sensible, éclairé et désopilant : il s’agit des dessins sur papier de Michel Doerr. Ceux qui l’ont connu le savent, l’auteur d’Esthétique de la locomotive à vapeur (1971), avait pour habitude de noircir les carrés blancs de papier, de tissus ainsi que les nappes des tables d’hôtels et de restaurants. Toujours signés des initiales MD, ces dessins mettent en scène chefs de gare, bateaux, automobiles mais surtout, la passion du premier directeur pour le rail anglais. Certaines de ces esquisses servent ainsi d’illustrations aux menus officiels organisés lors des colloques ou des conseils d’administration. Selle d’agneau “Crampton” , Vacherin “Golden Arrow”, rien n’est alors laissé au hasard pour les “railways enthusiasts”.

Photos RUDLER Mulhouse, Carte postale Hôtel du musée et de Suisse, s.d., Collection Cité du Train
Photos RUDLER Mulhouse, Carte postale Hôtel du musée et de Suisse, s.d., Collection Cité du Train

Le Grand-Duc
de Luxembourg

C’est le 20 novembre 1980 que le Musée Français du Chemin de Fer accueille le Grand-Duc du Luxembourg. Au sein de la voiture salon n°10 AL dite “Grande Duchesse”, et sous le regard de personnalités politiques luxembourgeoises et françaises, Jean de Luxembourg signe à son tour le livre d’or du musée. Dans ses mémoires, Jean-Mathis Horrenberger le rappelle : c’est alors la première fois que le MFCF accueille un Chef d’État en exercice. À la fin de la journée, ce dernier remonte dans le TGV, accompagné de Jacques Pélissier, Président de la SNCF. Le Train à Grande Vitesse effectue alors ses essais entre Mulhouse et Strasbourg.

Vue 360 de la voiture Grande Duchesse

Anonyme,Venue du Grand Duc du Luxembourg au musée, photographie, 20 novembre 1980, Collection Cité du Train
Anonyme,Venue du Grand Duc du Luxembourg au musée, photographie, 20 novembre 1980, Collection Cité du Train

Bugatti
et le TGV

Nichées dans une petite boîte, des diapositives. Et sur ces diapositives, en transparence, se découvrent deux matériels légendaires : le TGV et l’autorail Bugatti. En arrière-plan, les Ateliers de Bischheim. Nous sommes en 1981. Dixième anniversaire du MFCF, cette année coïncide également avec l’inauguration du TGV et le centenaire de la naissance d’Ettore Bugatti.

Franco-italien, le sculpteur se distingue comme l’un des plus grands constructeurs de son temps. En 1909, après des expériences menées notamment chez De Dietrich, il implante son usine automobile à Molsheim, ville située au sud-ouest de Strasbourg. Si la Royale reste le symbole de son industrie, Bugatti s’intéresse également de près au domaine du ferroviaire.

En témoigne l’autorail présidentiel, matériel sorti d’usine en 1933. Exploité par la SNCF jusqu’en 1953, il devient laboratoire roulant jusqu’en 1975 et est alors sélectionné pour rejoindre la collection du MFCF.

Restauré par les Ateliers de Bischheim, sa livrée carmin se confond avec le “orange TGV”. Ce mariage chromatique et formel, amplifié par l’aspect granuleux des diapositives, symbolise à lui tout seul l’évolution du design au XXe siècle.

Vue 360 de l’autorail Bugatti

Un hélicoptère
présidentiel

Jeudi 30 septembre 1982. En fin d’après-midi, à proximité du Musée Français du Chemin de Fer, un hélicoptère se pose. Quelques minutes plus tard, après avoir échangé avec des représentants des firmes d’arts graphiques du bassin mulhousien, son passager passe les portes du musée : il s’agit du Président François Mitterrand. Accompagné de Charles Fiterman, ministre des Transports, et de Jacques Lang, ministre de la Culture, celui qui a inauguré le TGV Paris-Lyon un an plus tôt, découvre la collection. Poste téléphonique relié à l’Élysée, inspection du musée par les services de sécurité, mise en place d’un local médical, pour l’équipe du musée, cette visite a nécessité une organisation sans faille dont Jean-Mathis Horrenberger se souvient encore quinze ans plus tard.

Anonyme, Venue du président François Mitterrand, photographie, 30 septembre 1982, Collection Cité du Train
Anonyme, Venue du président François Mitterrand, photographie, 30 septembre 1982, Collection Cité du Train

“L’itinéraire suivi par le Président au cours de sa visite, à l’intérieur du Musée, est défini, presque mètre par mètre, et je ne devrai pas m’en écarter – ce qui n’empêcha pas, trois jours plus tard, M. Mitterrand de me prendre à deux reprises par le bras en me demandant de lui montrer de plus près telle ou telle locomotive qui semblait lui rappeler un souvenir d’enfance…!”

Jean-Mathis Horrenberger in Le Musée du Chemin de Fer : une utopie devenue réalité, 1997