L’Art entre au
Musée du Chemin de Fer
Conservatoire de matériels roulants, le musée souhaite également traiter de la représentation artistique du chemin de fer. Avant même l’ouverture de juin 1971, l’équipe du MFCF participe ainsi au Prix Scheffer, 25e exposition de peinture ferroviaire organisée à la SIM. Moins d’un an plus tard, grâce au soutien de la Ville de Mulhouse, l’association fait l’acquisition de la collection de Charles Dollfus, aéronaute, rédacteur de nombreux textes sur les chemins de fer et détenteur d’une rare série d’objets décoratifs. Dans le même temps, devant la Parthenay, le peintre Albert Brenet installe son chevalet. Missionné par la SNCF, cet artiste à la production pléthorique, pose sur la toile les touches de gouache, esquisse préparatoire de l’emblématique affiche du Musée Français du Chemin de Fer.
“Connaissez-vous le Musée Français du chemin de fer ?”
Dès les premières années du musée, ses fondateurs perçoivent la nécessité de communiquer massivement. Édités par L’Alsace, plusieurs milliers de prospectus imprimés “offset sur papier couché crème 90g” sont ainsi distribués. Mais la publicité se doit d’être concertée et les frais partagés. Le 25 novembre 1971, une réunion de “coordination de la propagande entre les différents musées de Mulhouse” est organisée. L’objectif : valoriser la richesse culturelle et touristique mulhousienne dans un rayon de 150 Km. Quelques mois plus tard, les comptoirs d’hôtels, restaurants et syndicats d’initiative se noircissent de dépliants valorisant le Musée Français du Chemin de fer, le musée historique, le Temple Saint-Etienne, le Musée d’Impression sur Étoffes et le Zoo. Mais la démarche va plus loin : il apparaît en effet nécessaire d’organiser des circuits entre ces grands sites touristiques. Véritable atout, l’autocar est complété par l’autobus. Les agents de ces derniers sont en effet invités à promouvoir le musée auprès des visiteurs d’un jour et des usagers réguliers. Car malgré les multiples articles et encarts publicitaires, c’est encore le bouche-à-oreille qui fonctionne le mieux. À moins que l’éloge verbal ne soit éclipsé par la légendaire carte postale qui réussit l’exploit de réunir sur 150 cm² un train, une mairie, un ours, une period-room et toute l’essence de l’Alsace.
La locomotive-enseigne
Vous avez aimé le prospectus, le dépliant, l’affiche et la carte postale ? Vous adorerez la locomotive-enseigne ! Dans une volonté d’attirer les visiteurs au musée depuis la rue Josué Hofer, le Conseil d’Administration valide très tôt le projet de se servir d’un matériel réformé destiné à la démolition pour servir d’enseigne échelle 1. En septembre 1972, Jean-Mathis Horrenberger informe ainsi André Portefaix, Ingénieur en chef de la Direction de la Traction et du Matériel de la SNCF, du souhait de Michel Doerr d’acquérir la 130 B 348 garée au dépôt de Chaumont. Cette locomotive est décrite par le Président comme détentrice d’une “silhouette caractéristique à souhait”. Autre avantage, elle ne pèse “que 48.500 Kg”. C’est finalement la 030 TB 2 des Ateliers d’Arles qui est sélectionnée. Ôtée de sa cabine et de ses soutes à eau, cette machine absurde quitte la Provence pour Romilly afin d’être repeinte. Simultanément, Thouars se propose de reconstituer la cheminée. Mais l’objet seul ne suffit pas pour être visible depuis la route. Qu’à cela ne tienne, on lui construit un piédestal. Le 1er avril 1974, la loc’ de fortune quitte Romilly pour Mulhouse. Quelques semaines plus tard, au 93 Avenue de Lutterbach, ancien siège de la société de levage mulhousienne Koenig, le téléphone sonne. Il s’agit de venir poser l’engin sur son étroit écrin de ballast. Cette opération, décrite par le prestataire comme “délicate”, est couverte par La Vie du Rail qui se réjouit de cette “manutention spectaculaire”. Véritable saga dans la saga, cet épisode cristallise à lui tout seul le quotidien du musée : une idée, des partenariats interrégionaux et à la fin, des enfants qui escaladent pour la photo, même si c’est interdit !
Passion cartes postales
Présentés dans les premiers procès-verbaux des conseils d’administration comme des “produits accessoires”, les éléments accrochés au panneau de liège de la guérite complétée en 1974 d’un “kiosque de vente” deviennent rapidement de véritables sources de revenus complémentaires. L’étude des correspondances entre 1971 et 1976 révèle par ailleurs un attachement particulier du public à l’objet “carte postale”. Cette notion de produits dérivés semble alors pourtant récente dans le monde muséal. Au sein de la Réunion des Musées Nationaux, le service commercial est créé dès 1931 mais trouve un véritable essor dans les années 70. Si l’on ignore si les dirigeants du Musée Français du Chemin de Fer se sont inspirés de ce modèle, on peut cependant supposer que le monde ferroviaire, alimenté par l’imaginaire du jouet et du train miniature, participe de ce phénomène.
La Vie du Rail, L’Imagerie Pellerin d’Epinal, les éditions de La Cigogne mais aussi celles des Dernières Nouvelles d’Alsace sont autant de partenaires créatifs et commerciaux. Cartes postales, autocollants, diapositives, scrapbooks ainsi que planches à découper constituent une liste de souvenirs que les visiteurs ou les correspondants du musée s’arrachent. Michel Doerr se révèle dès lors véritable stratège cartophile. Dans une lettre adressée en 1975 à la Compagnie des Arts Photomécaniques, le Directeur défend l’idée selon laquelle la photographie de l’une des locomotives doit être cadrée afin de ne pas laisser apparaître un “environnement […] assez peu esthétique !”
De (grands) enfants
La force du musée est, dès sa création, d’attirer à la fois cheminots, techniciens, touristes, amateurs de belles choses, familles et scolaires. Les archives des années 70 regorgent dans ce contexte de lettres manuscrites, parfois hésitantes, rédigées par le délégué de classe ou le chouchou du maître. À ces “petits mots”, Michel Doerr apporte inlassablement la même réponse : bien sûr, il est possible de venir visiter le musée avec sa classe ! Il est même conseillé de se munir d’un pique-nique à déguster sous les parasols ou dans la voiture-restaurant. Un guide, des diapositives et des films sont également à disposition. Pédagogiques, certaines pièces de la collection sont reproduites dans des ouvrages à destination d’un public enfantin. C’est par exemple le cas de L’Encyclopédie par le timbre, locomotives et trains internationaux publiée en 1972 par Les Éditions des Deux Coqs d’Or. En pastille de couverture, cet ouvrage est présenté comme “indispensable à tous, garçons et filles, pour apprendre en s’amusant, pour illustrer leurs cahiers, pour collectionner”.
“Le petit garçon pose un cube jaune derrière un bleu et annonce, triomphal : “Un train”. Même avec Apollo sur la Lune, le train conserve, dans l’imagination des enfants, la place que, dans la vie, l’avion et la voiture, lui disputent.”
– Anonyme, extrait issu de l’article “Au musée de Mulhouse, ces fascinantes locomotives à vapeur” in L’Est Républicain, Nancy, n°490, 27 juin 1971