Manger
à bord
Exposé à l’intérieur de la demi-rotonde, le train sert également de lieu de restauration. Sur le parvis du musée, la voiture-restaurant CIWLT 3348, ouverte aux individuels, groupes et scolaires, permet de déguster plats du jours, cônes glacés et orangeade. Imaginé dès 1968, ce temps fort de la visite, ”expérience-visiteur” avant l’heure, ravi petits et grands. Envoyée en restauration aux Ateliers de Saint-Denis en janvier 1974, la 3348 est remplacée par la 3349 en mai 1974, avant son retour définitif au musée.
D’après L’Alsace, il est alors possible de commander des “plateaux-repas et des pick-nick boxes” dans une ambiance décrite par l’équipe du musée comme “typiquement ferroviaire”.
Aujourd’hui exploitée par le musée du chocolat de Geispolsheim, la 3349 demeure historiquement liée à la 3348, exposée dans le Parcours Spectacle de la Cité du Train.
Visite de la voiture restaurant
La locomotive et le cuisinier
Le 4 juin 1971, les adhérents de l’association sont informés de l’arrivée prochaine d’une “attraction unique en son genre”. Au sein de la rotonde, une fosse de visite, profonde de presque 2 mètres, a été creusée Voie 13 afin de permettre d’“examiner [l]es mécanismes intérieurs” de la locomotive 231 Pacific n°3.1192 Chapelon Nord. Le 18 juin de la même année, le matériel roulant s’engage délicatement au-dessus de cet espace vide. Présent lors cet événement peu commun, c’est encore L’Alsace qui en parle le mieux.
“La petite équipe du “Train bleu” était furieuse hier après-midi : les convives avaient quitté la table sans toucher au dessert, des fraises au sucre. Le jeune chef avait failli rendre son tablier, pardon, son bonnet blanc. Et tout cela parce que la “Pacific” avait, sur le coup de deux heures, prit subitement la vedette. Depuis huit jours, elle n’avait pas bougé de dessous la rotonde. Elle avait fait copieusement sa toilette. Tous ses cuivres et bronzes -abondants- reluisaient à qui mieux mieux, en harmonieux contraste avec la “robe chocolat” de cette machine du Nord. Et voici qu’à l’aide deux locotracteurs, elle faisait mine de s’évader.”
– R.F., “La “Pacific” a été placée sur sa fosse de visite in L’Alsace, 18 juin 1971, Collection Cité du Train
Lilliput
Conservé aux Archives de Mulhouse, un dessin non daté donne à voir un étrange convoi. Apparaissant entre les plans techniques et les correspondances administratives, ce croquis de train miniature s’impose comme un élément sensible et poétique. Dès 1970, Michel Doerr et André Portefaix nourrissent en effet le souhait de créer un chemin de fer “lilliput”. Pourtant, si l’échelle miniature replonge le visiteur en enfance, il ne permet pas, d’après Michel Doerr, de mesurer “la peine des hommes”. Il convient dès lors de se confronter à la machine et à sa “réalité technique”. La fosse de visite, permettant d’observer les dessous mécaniques de la locomotive Chapelon Nord 3.1192, contribue à cela.
Cartons, mouchoirs
et traditions
Les yeux levés vers les entrailles de la Pacific, le regard tourné vers l’écorché de la Baltic, à l’écoute des guides ou en déambulation solitaire, petits et grands découvrent jour après jour celui que l’on désigne dorénavant par le terme de “MFCF” (Musée Français du Chemin de Fer). En coulisse, l’équipe du musée se prépare activement à un autre événement : l’inauguration officielle des lieux. Préservés à la Cité du Train, les coupons-réponses se distinguent dans ce contexte comme de précieux témoignages. De grands noms du chemin de fer comme Marc de Caso ou encore André Chapelon rythment la revue de ces délicats morceaux cartonnés. Une feuille sommairement intitulée “organisation” nous informe par ailleurs des temps forts prévus au cours de la journée : déjeuner dans les salons de la SIM, discours, visite de la ville, réception de mouchoirs ferroviaires édités pour l’occasion en partenariat avec le Musée d’Impression sur Étoffes, sans oublier les “Alsaciennes”, ces jeunes femmes qui tiendront entre leurs mains un symbole majeur de l’histoire du musée : le ruban d’inauguration.
Coupé
de ruban !
Samedi 3 juillet 1971. 7H. Les ondes radiophoniques multiplient les brèves dédiées aux grands départs en vacances. Au fil des heures, les autoroutes alsaciennes se peuplent d’automobilistes quittant les Vosges pour leur lieu de villégiature. Dans les locaux de la Société Industrielle de Mulhouse et au Musée Français du Chemin de Fer, l’ambiance est toute aussi fébrile. Il s’agit en effet de régler les derniers préparatifs avant l’inauguration officielle de la demi-rotonde. Sur la Buddicom Saint-Pierre, le pupitre en bois orné des armes de Mulhouse attend ses premiers orateurs.
« […] Bien entendu, ce Musée définitif devra recueillir autre chose que des locomotives à vapeur ; les premiers échantillons de la traction électrique et de la traction thermique auront terminé leur service à point nommé pour y entrer. Et la puissante CC qui se trouve devant la rotonde deviendra à son tour, une pièce historique comme le sera aussi, un jour, le turbotrain. La vision du passé nous engage à nous interroger sur l’avenir. Un remarquable congrès traitait récemment de l’état de la technique de l’an 2000. Il concluait que la population du monde atteindrait six milliards d’habitants, que l’énergie, sans être rare, devrait être ménagée, que cette énergie serait produite à 85% sous forme d’électricité, que la défense contre les pollutions deviendrait un souci constant et que les besoins de transport ne feraient que croître. Or, le Chemin de fer est un transporteur de masse, très économe en énergie, qui s’accommode particulièrement bien de l’énergie électrique et qui n’est pas polluant. Messieurs les créateurs du Musée Français du Chemin de Fer, prévoyez large, je vous en prie ; le Chemin de fer n’est encore qu’au début de son destin ! »
– Samedi 3 juillet 1971, allocution du Président André Ségalat lors de l’inauguration officielle du Musée Français du Chemin de Fer
7H47. A 500Km, en gare de l’Est, au sein de la voiture 15 du train 113 s’installe un groupe parisien à destination de Mulhouse.
Parmi eux : André Ségalat, Président de la SNCF, accompagné notamment d’Henri Lefort, Directeur Général Adjoint, de Camille Martin, Directeur du matériel et de la Traction ou encore de Marcel Garreau, Directeur Honoraire de la SNCF.
12H08. Arrivée en gare de Mulhouse. Après un lunch proposé à la SIM, les officiels sont transférés en autocar jusqu’à Mulhouse-Nord.
14H. La cérémonie peut débuter. Sous les flash des journalistes de Loco-Revue ou de L’Alsace, Jean-Mathis Horrenberger puis André Ségalat adressent leurs vœux à l’assistance. Le discours donné par la Président de la SNCF résonne encore cinquante ans plus tard entre les murs de la Cité du Train. Optimiste et résolument visionnaire, André Ségalat parvient à poser dès 1971 les grands enjeux du troisième millénaire.